Le thème commun de travail pour l'année académique 2024-2025 pour tous les Maristes d’Europe était : compte sur moi. Nous voulions que cette année soit centrée sur la promotion de la participation des jeunes, de telle sorte que nous placions les enfants et les jeunes de nos œuvres non seulement comme destinataires, mais aussi comme moteur de toutes nos actions, comme Dieu veut que nous le soyons.
Dès les premiers jours de son travail, Marcellin Champagnat a été créatif et audacieux dans son approche de la réalité des jeunes de son temps. Il n'était curé de La Valla que depuis quelques mois lorsqu'il fut appelé à assister un jeune homme mourant qui n'avait jamais entendu parler de Dieu. Il le fit en mettant de côté tous les préjugés de l'époque et en plaçant la personne au centre. L'expérience Du jeune Montagne a touché son cœur si profondément qu'il a consacré toute sa vie à une seule mission : faire connaître Jésus-Christ et le faire aimer par tous les jeunes, en particulier ceux qui en ont le plus besoin. La vision d'un jeune homme changera à jamais son sens de la mission, une mission qu’il entreprendra main dans la main avec deux jeunes hommes le 2 janvier 1817.
L'histoire, depuis lors, est connue de tous les Maristes d'aujourd'hui, héritiers de son charisme. Mais un élément est, peut-être, passé inaperçu. Pour sa première communauté, pionnière de tant de communautés d'éducateurs, il n'a appelé ni des enseignants expérimentés, ni des religieux chevronnés. Comme nous l'avons signalé précédemment, il a appelé deux jeunes hommes, l'un âgé de 22 ans, l'autre de 16 ans. Des jeunes auxquels il a donné une importance inhabituelle pour l'époque, des jeunes qu'il a placés au centre de sa mission éducative et évangélisatrice, et dont l'œuvre continue à porter les fruits plus de deux cents ans plus tard.
L'évolution de la société, et avec elle l'évolution des institutions éducatives, a relégué les jeunes au rang de simples destinataires des processus éducatifs. Mais depuis quelque temps, les jeunes nous font savoir qu'ils veulent participer à la transformation de la réalité. Les jeunes aspirent à une société durable, fondée sur le respect de la nature, les droits universels de l'homme, l'efficacité de la justice économique et une culture de la paix dans une perspective écologique holistique. Certains d'entre eux tentent de promouvoir le changement en s'engageant dans des organisations non gouvernementales ou politiques, et font en sorte que les questions qui concernent les jeunes soient débattues et qu'ils puissent participer activement à ces discussions. Nous devons prendre en compte ces préoccupations et offrir notre soutien pour qu'elles continuent à se développer, afin que de plus en plus des jeunes soient impliqués.
Avec le thème " Compte sur moi ", nous voulons revenir aux origines de la tradition mariste, placer les enfants et les jeunes non seulement au cœur de notre action éducative, mais aussi comme moteur de celle-ci. C'est notre manière d'aider chaque personne à prendre conscience de sa propre identité, de la liberté de regarder l'avenir avec espérance, de la capacité de se reconnaître comme protagoniste dans le réseau complexe de l'existence personnelle et collective, d'être un agent de transformation de sa propre réalité et d'intégrer la foi et la vie, et tout cela à partir d'une expérience forte de se sentir profondément aimé de Dieu.
Développer ce thème « compte sur moi" implique de réaliser que ce sont eux, les enfants et les jeunes, qui nous demandent d'assumer cette responsabilité et tout ce qu'elle implique. Avec des besoins d'apprentissage et de formation, bien sûr, mais avec le désir de sentir qu'on compte sur eux, avec toutes les conséquences que cela implique.
Nous pensons également qu'il est nécessaire de définir le type de protagoniste que nous recherchons chez nos jeunes.
Nous ne parlons pas d'un protagonisme des réseaux sociaux, d'une posture d'influenceur qui ne cherche que l'acceptation facile des autres. Nous parlons d'un véritable protagonisme qui propose du sens, qui les aide à grandir, qui les fait discerner comment vivre dans la société d'aujourd'hui dans une perspective de rencontre avec soi-même, avec les autres et avec Dieu.
Accueillir cet appel des jeunes doit nous amener à repenser notre quotidien au collège et dans notre travail social. Cette année scolaire fut une occasion exceptionnelle pour nous poser ces questions qui peuvent déranger, mais dont la réponse est l’écho de l’appel que nous lancent les jeunes :
- Notre structure scolaire facilite-t-elle l'implication des élèves, les horaires, les espaces... sont-ils adéquats ?
- Accordons-nous de l'importance aux questions qui sont pertinentes pour la croissance des jeunes, qui les poussent à s'interroger et à discerner ? Leur fournissons-nous des espaces et des ressources pour qu'ils puissent exposer ces questions et développer leurs préoccupations ?
- Essayons-nous de comprendre leur langage et leur manière de s'exprimer dans les domaines où nous sommes en relation avec eux ? Faisons-nous l'effort d'aller là où les jeunes se trouvent durant l’horaire académiques, durant les activités sportives, dans leurs loisirs et leur temps libre ?
- Croyons-nous vraiment que personne n'évangélise les jeunes mieux qu'eux-mêmes ?
- En bref, sommes-nous prêts à changer nos processus éducatifs centrés sur l'enseignement pour des processus centrés sur la personne, avec les jeunes comme élément central ?
À ce stade, nous ne pouvons pas oublier la figure de Marie. Cette femme simple et forte à la fois, qui a su dire au Père : me voici. Le Seigneur lui-même a su s'adapter à sa réalité et compter sur elle pour la plus déconcertante des missions : convertir Dieu en une réalité humaine. Son "compte sur moi" nous a inspirés tout au long de cette année scolaire.